Février 2016
1er février : début de l'expérimentation de la remontée de file par les motocyclistes
L'arrêté du 4 janvier a fixé la période de l'expérimentation entre le 1er février 2015 et le 31 janvier 2020. L'arrêté du 16 janvier intègre cette pratique dans l'apprentissage de la conduite et de la sécurité routière en ajoutant une nouvelle compétence relative à la circulation inter-files dans les livrets d'apprentissage de la conduite ainsi que dans les programmes des formations requises pour la conduite des motocyclettes et véhicules de la catégorie L5e par les titulaires de la catégorie B du permis de conduire et dans celle requise pour l'obtention de la catégorie A du permis de conduire par les titulaires de la catégorie A2 depuis au moins deux ans.
Dans les départements désignés pour l'expérimentation de la circulation inter-files, l'apprentissage dispensé par les établissements d'enseignement de la conduite et de la sécurité routière sera théorique et pratique pour les véhicules à deux ou trois roues visés par le décret et théorique pour l'apprentissage de la conduite des autres catégories de véhicules.
Dans les autres départements, seule la connaissance théorique de l'expérimentation et des règles régissant la circulation inter-files sera
intégrée à l'enseignement de la conduite de tous les véhicules autorisés à circuler sur la voie publique.
Commentaires :
La Sécurité routière fonde l'espoir que la définition de règles précises de la remontée de file dénommée réglementairement « circulation interfile » ainsi que l'enseignement de cette pratique dans les écoles de conduite aura un effet bénéfique sur la sécurité des motocyclistes et des autres usagers.
Cet optimisme est loin d'être partagé par les accidentologues qui s'inquiètent de l'effet global sur les usagers et les motocyclistes en particulier que peut avoir la régularisation d'une pratique illégale unanimement reconnue comme dangereuse et de son impact sur l'accidentalité.
La règle reste par ailleurs floue sur certaines points comme la notion d'espacement latérale suffisante ainsi que sur le fait de savoir si les automobilistes doivent s'écarter ou non de la trajectoire des motocyclistes pour leur laisser le passage. La visibilité des motocyclistes au cours de cette manœuvre n'est pas non plus renforcée.
Le suivi de l'évaluation de l'expérimentation sera instructif à cet égard bien qu'il sera difficile d'annuler cette mesure si elle s'avère contre-productive.
2 février : Lancement de la campagne de la Sécurité routière "Onde de choc"
La nouvelle campagne de la Sécurité routière « Onde de choc » propose une nouvelle approche pour sensibiliser aux risques routiers en mettant en avant l'impact étendu et durable des accidents de la route sur l'entourage familial, amical ou encore professionnel des victimes. Une étude de l'Ifop de janvier 2016 révèle en effet qu'un Français sur deux a un proche qui a déjà été victime d'un accident de la route. Cette nouvelle campagne a débuté par la diffusion sur internet et à la télévision d'un film qui met en avant la nouvelle signature de la
Sécurité routière « Tous touchés, tous concernés, tous responsables ». Elle rappelle que l'accidentalité routière est bien l'affaire de chaque
Français.
Commentaires :
Si l' angle d'approche de cette nouvelle communication peut paraître pertinent, elle suscite en premier lieu un effet traumatisant chez les proches des victimes. A en croire l'enquête fort instructive de l'IFOP, 7 millions de personnes vont connaître àla vue de cette campagne le reveil de leur souffrance.
Si au moins, cette campagne avait une utilité. Hélas, l'efficacité sur l'accidentalité de ce type de communication n'a jamais été démontrée (lire : les campagnes de communication : sont-elles efficaces ?) . Certes, les tests post-campagnes montrent que ces campagnes sont vues mais au final, le comportement des usagers a-t-il évolué dans le sens attendu ?
Certains travaux (projet européen CAST pour Campaigns and Awareness raising Strategies in Traffic Safety) estiment que ces campagnes ont peu d'effet pour ce qui concerne les campagnes sous le registre émotionnel. D'autres pensent que leur effet n'est qu'à court terme et ne touche qu'une partie de la population, déjà convaincue.
Le premier objectif d'une bonne communication liée à une politique publique est de bien informer sur les mesures en préparation ou devenues effectives pour faciliter leur acceptation et leur respect. Il s'agit donc en premier lieu d'avoir une démarche pédagogique. Pourquoi prend-t-on une mesure ? A quoi consiste-t-elle ? Quel effet en attend-t-on ?
Nul besoin de jouer sur le registre cognitif ou émotionnel. Le registre d'une communication institutionnelle devrait être essentiellement celui l'intelligence en s'inspirant des recherches en cours sur cette communication connue sous le
terme de « communication engageante ».
5 février : Annonce du bilan provisoire 2015 de l'accidentalité
L'année 2015 présente un bilan contrasté : la mortalité routière est en hausse de 2,4%, le nombre d'accidents corporels
a baissé de 3,6%, tout comme celui des personnes blessées (-3,6% également) et des hospitalisations (-1,8%).
Selon les estimations de l'ONISR (Observatoire national interministériel de la sécurité routière), les résultats définitifs devant être connus fin mai, 3 464 personnes auraient perdu la vie sur les routes de France en 2015, soit 80 décès supplémentaires par rapport à 2014.
La hausse de la mortalité concerne principalement les automobilistes : l'ONISR dénombre 135 décès supplémentaires dans cette catégorie d'usagers, soit une hausse de 8%.La mortalité motocycliste s'élève en 2015 à 619 décès. Elle est quasiment stable (- 1%) par rapport à l'an passé. Un mois de juillet très beau, donc accidentogène, a contrasté avec un mois de septembre, particulièrement pluvieux et orageux, pendant lequel la pratique moto a été réduite.
Les autres usagers vulnérables ont vu leur accidentalité en nette diminution: - 5% pour celle des cyclistes (151 décès), - 7% pour celle des piétons (463 décès) et - 10% pour celle des cyclomotoristes (149 décès).
L'analyse de l'ONISR met en évidence que la mortalité des jeunes de 18-24 ans, qui avait fortement baissé en 2014 (- 8,5%) repart à la hausse en 2015 (+ 7%). En 2015, 622 jeunes hommes et jeunes filles ont perdu la vie sur les routes. Les 15-29 ans, soit 18% de la population, représentent 22% des personnes tuées et un tiers des personnes grièvement blessées sur les routes. Un décès sur cinq se produit lors d'un accident impliquant un conducteur novice.
La mortalité des personnes de plus de 65 ans augmente fortement en 2015 (840 personnes décédées soit + 9%). L'accident de Puisseguin ne suffit pas à expliquer l'ensemble de la sur-mortalité des seniors également particulièrement touchés en tant qu'automobilistes (+ 66 personnes tuées sur les 10 premiers mois de 2015).
Sur les trois premiers trimestres de 2015, il est recensé une augmentation de 2,5% du trafic sur les routes nationales et le réseau autoroutier. En effet, les chiffres de l'accidentalité routière sont à mettre en regard de phénomènes conjoncturels. Une baisse significative des coûts du carburant et un été, puis un début d'hiver, favorables aux trajets ont stimulé les déplacements. En outre, après les attentats du 13 novembre, beaucoup d'usagers ont privilégié un mode de transport individuel aux transports en commun. Le week-end de Noël, en
dépit d'une très forte mobilisation des forces de l'ordre, a été particulièrement meurtrier, 28 décès contre 16 l'an passé, l'un des plus mauvais de ces dix dernières années.
Une augmentation des vitesses pratiquées est venue s'ajouter à la hausse de la fréquentation sur les routes. Selon l'ONISR, un quart des accidents mortels sur les 10 premiers mois de l'année 2015 ont pour cause principale la vitesse excessive ou inadaptée.
Dans son « observatoire des vitesses », l'ONISR constate un changement de comportement des usagers, après 10 années de diminution des vitesses moyennes enregistrées sur nos routes, grâce à l'implantation des radars. La trop grande connaissance par les automobilistes de l'emplacement des dispositifs de contrôle a manifestement atténué leur efficacité. La tendance à lever le pied s'est donc inversée depuis 2013 : les vitesses moyennes observées sont en augmentation de 1 à 4 km/h selon les réseaux.
La part des accidents mortels en présence du facteur alcool passe de 28% à 30% en 2015, cette augmentation s'expliquant par la prise en compte depuis le 1er juillet 2015 des conducteurs novices dont l'alcoolémie se situe entre 0,2 g/l et 0,5 g/l.
Commentaires :
Il est prématuré de mener une analyse fine de l'accidentalité survenue en 2015 et pour comprendre les raisons de l'augmentation de la mortalité pour la seconde année consécutive. Cette situation n'était plus arrivé depuis 1980. Les facteurs explicatifs sont nombreux. Certains sont conjoncturels. Ils sont liés à l'évolution des déplacements, eux-mêmes dépendant d'autres facteurs comme les conditions météorologiques, le coût du carburant et globalement des conditions économiques. Il peut s'être ajouté des évènements exceptionnels comme ce fut le cas en 2015 avec les attentats de janvier et de novembre. D'autres sont structurels en relation direct avec les effets de la politique de sécurité routière. La Sécurité routière a ainsi lancé en 2015 plus d'une cinquantaine de mesures qui pour l'instant n'ont produit aucun effet positif. Bien au contraire, l'ONISR constate une hausse des vitesses pratiquées. Ce constat surprenant mérite une analyse spécifique.
9 février : Installation du premier contrôle leurre
La mesure 1 du CISR du 2 octobre 2015 prévoyait de multiplier par 4 le nombre des zones sécurisées par des dispositifs de contrôle automatisé, en installant notamment des radars « leurres ». L'idée était de créer des zones de contrôle de la vitesse,
toujours signalées par un panneau, au sein desquelles des radars seront susceptible d'être ou non présents.
Le premier déploiement de zones de contrôles leurres pour lutter contre les excès de vitesse et les comportements dangereux a été réalisé le lundi 8 février 2016. Le premier itinéraire choisi pour ce nouveau type de contrôles se situe dans le département du Pas-de-Calais, sur la départementale 939, entre Aubigny-en-Artois et Le Parcq. Déjà protégée par deux radars, cette portion de route, longue de 37 kilomètres, a été choisie pour son caractère particulièrement accentogène : sur les cinq dernières années, les accidents qui s'y sont produits ont entrainé 6 décès et 28 blessés graves.
Il s'agit d'un radar autonome qui peut être déplacé. L'objectif annoncé est que d'ici la fin de l'année 2016, 100 itinéraires classés dangereux en seront également dotés, correspondant à 500 emplacements de contrôles possibles. Le dispositif sera porté à 1 000 itinéraires et 5 000 emplacements d'ici à 2020.En complément du « leurre par panneaux », un deuxième dispositif, le « leurre par cabine » sera expérimenté en 2017 pour un début de déploiement la même année. Il s'agit de cabines fixes qui seront parfois vides ou parfois équipées d'un radar effectuant des contrôles.
Commentaires :
La mesure 1 s'inspire de la pratique des radars leurres développé au Royaume uni dans les années 90. La caméra fixé à l'intérieur d'un boîtier jaune très reconnaissable utilisaient des photos argentiques Les pellicules était régulièrement récupérés, les forces de l'ordre pouvaient à cette occasion changer l'emplacement de la caméra. En général, on comptait 5 boîtiers sur une section de route.
L'avantage de cette technique est de multiplier la fréquence des possibilités d'être contrôlé par 5. C'est cette fréquence qui semble être retenue en France en prévoyant de déployer 5 000 emplacements. Il s'agit donc d'une mesure qui devrait avoir une efficacité interessante.
Pour autant, le choix des emplacements reste fondé sur le critère de l'accidentalité. On peut y voir une réserve sur cette stratégie (lire débat : radars fixes : quels emplacements). Les radars permettent de s'attaquer aux accidents diffus sur un itinéraire qu'il est ainsi difficile de traiter à moindre coût par des aménagements. Ils ont prouvé leur efficacité. Dès lors qu'un itinéraire présente une concentration d'accident, il serait opportun d'effectuer préalablement un diagnostic de sécurité et de réaliser les aménagements qui s'imposent. Cette approche permet d'obtenir une réduction de l'accidentalité plus forte et durable .
10 et 11 février : Accidents d'un car scolaire à Montbenoit et Rochefort
Deux accidents impliquant un car scolaire ont jeté l'effroi en cette seconde semaine de février. Le premier s'est produit sur une route
départementale enneigée. Le chauffeur de car aurait perdu le contrôle duvéhicule qui s'est couché. Parmi les 35 occupants, deux jeunes vont décéder et 7 seront blessés légèrement. Le second s'est également produit sur une route départementale. Le car scolaire a été cisaillé par la ridelle d'un camion de chantier qui était ouverte au moment du croisement des deux véhicules. Parmi les 15 passagers du car, 6 jeunes vont décéder et 2 sont gravement blessés.
Commentaires :
Ces deux accidents ne sont pas totalement de même nature. Celui de Montbenoît implique directement la sécurité des transports scolaires.
L'enquête du BEA-TT et celle judicaire devrait apporter quelques enseignements sur cet accident. Tout au plus peut-on noter le jeune âge du chauffeur détenteur d'un permis D de moins d'un an et conduisant sur une chaussée enneigé. Cet accident amènera forcément à réfléchir sur des mesures de sécurité liées aux capacités de conduite d'un car qui pourraient s'ajouter aux dispositifs de sécurité des transports de personnes déjà existants, notamment scolaires :l'obligation d'équipement d'un éthylotest anti-démarrage (EAD) pour tous les
autocars et la généralisation de l'équipement en ceintures de sécurité de tous les autocars en circulation.
Le second accident bien qu'il implique aussi un car scolaire est d'abord un accident impliquant un véhicule de chantier. Là encore, l'enquête du BEA-TT et celle judicaire devrait apporter quelques enseignements sur cet accident, notamment sur cette ridelle
latérale ouverte. Un accident identique s'est déjà produit en 1995. Il invite à travailler sur la définition de procédures de sécurité en entreprise, particulièrement dans le secteur des bâtiments et travaux publics ans le cadre des plans de prévention des risques routiers.