De nombreuses villes implantent de plus en plus des feux tricolores qui passent au rouge si l'automobiliste dépasse la vitesse autorisée. Le ministre de l'Intérieur vient de rappeler en réponse à une question parlementaire écrite que ces dispositifs non réglementaires font encourir la responsabilité pénale des représentants des collectivités.
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Ce dispositif est apparu en Espagne pour la première fois dans les années 1990 et s'est exporté en France sous le nom de feu espagnol. A l'époque, l'ex-CEREMA (le CERTU) avait déjà alerté sur le fait que ces feux étaient une fausse bonne idée pour la sécurité routière. Trente ans plus tard, alors que les collectivités territoriales n'en font de plus en plus qu'à leur tête au regard de la connaissance en matière de sécurité routière, la question revient sur le tapis et reçoit cette fois une réponse du ministère de l'intérieur, gardien avec le ministère en charge des transports du respect des règles sur la signalisation routière.
Ces feux ont pris plusieurs noms : « Feux comportementaux », «feux récompenses », « feux sanctions », «feux intelligents» alors que le nom précis est feux asservis à la vitesse. D'ailleurs, il existe de deux types de réglage. Le premier qui est le « feu sanction » où le feu de circulation passe au rouge lorsqu'un automobiliste ne respecte pas limitation de vitesse à l'approche d'un carrefour. Le deuxième qui est le « feu récompense » où le feu de la circulation est rouge et passe au vert lorsqu'on s'approche en respectant la limitation de vitesse.
En réalité, ces feux posent problème puisqu'ils détournent l'usage des feux de circulation qui est d'organiser la traversée des flux de véhicules et des piétons en tout sécurité. C'est la 6ème partie de l'instruction interministérielle sur la signalisation routière qui fixe le domaine d'emploi et les règles d'implantation. Les feux asservis à la vitesse utilisés en carrefour dérogent donc à ce domaine d'emploi puisque celui-ci est de réguler la vitesse des véhicules sur un axe sans se soucier des autres flux.
Pour les mêmes objectifs de "casser" la vitesse, les stops en carrefour connaissent le même sort et sont détournés de leur usage normal qui est d'obliger à l'arrêt dans les carrefours en absence de visibilité.
L'observation de ces stops ou de ces feux montre qu'une fois cet usage connu, nombre de conducteurs n'en tient plus compte et ne respecte plus cette signalisation. Le risque majeur sur cet usage du feu asservi à la vitesse est donc de réduire son caractère d'arrêt absolu au risque de rentrer en collision avec un véhicule venant d'une autre direction. Il dévalue également le feu au passage à niveau dont on connait déjà le manque de respect. Hélas, le ver est dans le fruit avec l'autorisation déjà accordée aux cyclistes de franchir les feux rouges.
La réponse est d'évaluer ce dispositif par quelques expérimentations encadrées par un protocole à l'instar de ce que l'on faisait encore dans les années 90. C'est ce qui semble être envisagé dans la réponse ministérielle.
Les feux tricolores sont des équipements de sécurité. Comme en médecine et la pandémie nous le rappelle, ils ont un domaine d'emploi et tout autre usage doit être testé et évalué, ce qui peut prendre environ deux ans.