Les 22 mesures du CISR

Un comité interministériel de la sécurité routière (CISR) s'est réuni le 2 octobre 2015 sous la présidence du Premier ministre. Il a annoncé 22 mesures auxquelles s'ajoutent 33 mesures complémentaires. Ces 56 mesures viennent ainsi s'additionner aux 26 mesures prises par le ministre de l'intérieur 8 mois plus tôt (le 26 janvier). C'est donc au total 82 mesuresqui sont lancées en 2015. Un record !!

Ce très grand nombre de mesures a-t-il pour but de compenser l'absence d'un CISR sous le quinquennat en cours, le dernier CISR remontant au 11 mai 2011 ?

Force est de constater que ces CISR se sont réunis à chaque fois en réaction à la dégradation de la mortalité et en désespoir de voir s'éloigner les objectifs de baisse de cette mortalité fixée à moins de 3000 personnes tuées en 2012 et à moins de 2000 en 2020.

 A chaque fois, la hausse de la mortalité est imputée à une détérioration du comportement des conducteurs. Pour autant, la baisse continue et spectaculaire
de la mortalité enregistrée entre 2002 et 2006 est à mettre au crédit de la tenue régulière de CISR,  gage auprès de l'opinion, d'une constance dans la politique de sécurité routière et d'une mobilisation de tous les ministères. 

C'est donc davantage dans le relâchement de cette constance qu'il faudrait probablement trouver une cause des séquences de hausse de la mortalité que nous connaissons depuis 2007, la détérioration du comportement n'en étant qu'une conséquence.

Dès lors que le gouvernement avait adopté en 2012 l'objectif de moins de 2000 personnes tuées sur les routes à l'horizon 2020, un CISR aurait dû aussitôt annoncer la définition et la mise en œuvre d'un plan d'action sur les cinq ans à venir.

Ce plan aurait reposé sur un diagnostic fin des grands enjeux de mortalité tels qu'ils apparaissaient dans le bilan 2012 de l'ONISR (page 73) et  sur la déclinaison de mesures pour s'y attaquer. Cette méthode est adoptée par la plupart des autres pays européens. Elle est recommandée par l'UE. En France, les Préfets de départements l'appliquent également depuis 2002 dans le cadre des politiques locales de sécurité à travers leur DGO (document général d'orientation).

Au lieu de cela, il nous a été proposé un empilement de mesures. Cette pile a été ensuite habillée par les communicants en quatre titres déclamatoires : intensifier la lutte contre les comportements dangereux, protéger les plus vulnérables, faire entrer la sécurité routière dans l'ère numérique, tous égaux devant la loi.

Dans ces conditions, l'espoir du gouvernement, peut-être par l'effet de nombre, est que ces 82 mesures auront un effet global pour enrayer la tendance à la hausse de la mortalité sensible depuis plus de deux ans, et de retrouver pour le moins la baisse structurelle de l'ordre de 3% que nous avons connu dans les années 1990. Difficile de l'apprécier puisque aucune estimation des enjeux et des gains en mortalité espérés ne sont associées à chaque mesure.

Ce qui est pratiquement sûr, c'est qu'aucune  ne semble susceptible d'avoir un effet à court terme immédiat. Antérieurement, les mesures efficaces ont toujours eu, pour le moins, un effet sensible à leur annonce. Elles ont été suivies d'une forte baisse de la mortalité dans les six mois qui précédent leur mise en œuvre pleine et entière. Le dernier exemple en date a concerné le début du déploiement des radars dits mobile-mobile en mars 2013 (lire le bilan de l'ONISR page 29) : Sur les 10,5% de baisse de la mortalité enregistrée cette année-là, 2,5% ont été attribués à cette mesure. Hélas, cette efficacité ne semble pas avoir perduré, le déploiement des radars contrôlant la vitesse qu'il soit fixe, discriminant, mobile, mobile/mobile ou tronçon ou bientôt leurre, souffrant de l'absence d'une stratégie globale lisible et compréhensible.

Car, c'est bien sûr l'efficacité des limitations de vitesse, du contrôle de leur respect et de leur impact sur le permis à points en cas d'infraction qui assurent
la durabilité de la baisse de la mortalité routière.

Le pari du gouvernement, à travers ses 82 mesures est de pouvoir lui éviter de prendre la mesure qu'il ne veut pas prendre, à savoir la baisse de la vitesse maximale autorisée de 90 à 80 km/h sur les routes bidirectionnelles et au-delà une harmonisation au niveau national des vitesses maximales autorisées hors agglomération et en agglomération. Les très nombreuses incohérences des situations sur le terrain alimentent facilement la polémique sur le sujet.

C'est pourquoi parmi les 82 mesures, une mesure mérite notre attention, la mesure 17. Cette mesure peut répondre à cette nécessité si bien sûr, elle est menée rapidement et intégralement pour tous les réseaux. Elle  prévoit de bâtir à échéance de 2 ans une base de données nationale des vitesses maximales
autorisées, en libre accès, enrichie progressivement par l'ensemble des autorités ayant la compétence pour fixer ces vitesses. Jusqu'alors, l'Etat curieusement se refusait de construire une telle base, pourtant incontournable pour la généralisation des limitateurs de vitesse asservis aux limitations de la vitesse du type LAVIA.


Encore faut-il que la DSCR ait encore suffisamment de force vive pour faire avancer au moins cette mesure. Mais il s'agit d'une autre histoire (lire débat : La Sécurité routière doit-elle être piloter par le ministère de l'Intérieur ?).

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